Dans le faux silence d’un hiver disparu

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Botzulan, petit pays baigné du bas soleil d’automne, chemin ébloui de lumière mouillée, terre terre et le granit de la chapelle de Kergonet

il faut passer le bar de l’Enfer au croisement et croire dans le chemin

la maison on l’aperçoit à peine

mais les cyprès dont il écoutait, dans le faux silence d’un hiver disparu, le balancement familier
mais la lumière rasant la terre grasse, l’épais tapis de feuilles de châtaigniers sur le sentier vers la fontaine
mais cette odeur de pomme fermentée, pourrissante dans le sol de l’automne
mais la présence pesante de la chapelle, dans le doux creux du terrain

derrière moi, comme une odeur de cigarette flottant parmi les feuillages
quelque part ici-même, Xavier Grall

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Au quai du siècle

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« Je veux vivre dans un pays où il n’y ait pas d’excommuniés.
Je veux vivre dans un monde où les êtres soient seulement humains, sans autres titres que celui-ci, sans être obsédés par une règle, par un mot, par une étiquette.
Je veux qu’on puisse entrer dans toutes les églises, dans toutes les imprimeries.
Je veux qu’on n’attende plus jamais personne à la porte d’un hôtel de ville pour l’arrêter, pour l’expulser.
Je veux que tous entrent et sortent en souriant de la mairie.
Je ne veux plus que quiconque fuie en gondole, que quiconque soit poursuivi par des motos. Je veux que l’immense majorité, la seule majorité : tout le monde, puisse parler, lire, écouter, s’épanouir. »

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[Pablo Neruda in Confieso que he vivido, J’avoue que j’ai vécu,
biographie parue en 1974 à titre posthume]

Rincée

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l’Aber désert gris
lavé rincé roulé mouillé
ça crépite aigu sur la vitre ouest et plus mat sur le toit de la voiture
les rouleaux accourent du large à l’assaut de la plage
immense déserte grise mouillée roulée rincée
c’est blanc c’est gris et les limites du monde :
buée sur les vitres / brume basse sur le marais et l’ile Aber

il est 16h, 9°, le 30.12.2015 en presqu’île de Crozon

en début d’après-midi chez S.
la sérénité puissante passé le seuil
percute l’agitation des fins d’années
elle porte un vieux modèle de pull
Saint-James marine
toute une histoire

48° 27,549’N, 05° 07,740’W

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La-chambre-de-veille    Beaucoup de gens ont la lucidité de ne pas se demander s’ils pourraient y vivre, car il faut une âme durcie au feu pour se nourrir de l’infinie variation du vide et de la lumière. Il ne faut plus croire en rien pour reconnaitre ici les réponses que cette terre porte à l’aurore et au crépuscule, comme les basculements de la vie vers la merveille.

[Alexis Gloaguen in La Chambre de Veille
résidence d’artiste au Créac’h, Ouessant, nov.2010 > fév.2011]

Vents courants

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Vents verts, vents gris chers à Xavier Grall, de retour.

Quittant Kerloc’h, le sentier désert monte vers l’ouest, roches millénaires feuilletées.

En contrebas une longue houle atlantique jusqu’à la plage.

En face, la côte de Dinan découpée, fauves, ocres, verts, et gris.

Thévennec et La Vieille, sur l’horizon ligne gris lumière.

Là bas le Raz, la Pointe du Van, Sein invisible. Et au-delà…quoi ?

Toute la vie là
dans les rafales qui poussent
la danse des herbes
les bruyères brûlées sous le tournoiement des oiseaux de mer.

Plus tard l’incendie précède la nuit.

Aucun ailleurs, aucun autre temps.

[Kerloc’h > La Tavelle ]

Estran pagan

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kerlou modif

Je me souviens un lundi volé au travail, le grand soleil bleu de l’hiver-presque, et l’âme magique du pays pagan.
Je me souviens avoir cherché Kerlouan sur une carte du Finistère pour mettre un lieu sur une gwerz de Denez Prigent.
Je me souviens avoir parcouru le village de pêcheurs en ruines désolées, ce devait être -forcément- l’hiver 1994, et je me souviens avoir enregistré, quelque part, la puissance des lieux et leur beauté intemporelle.
Je me souviens du chemin côtier, de la mer verte et bleue roulant en vagues violentes sur le sable blanc.
Je me souviens du champ de roches brunes acérées rongées par le flux et le reflux, au loin si proche la haute silhouette du phare de l’Ile Vierge.
Je me souviens, personne ou presque.
Je me souviens m’être déshabillée dans le grand vent puissant, et le froid saisissant de l’eau sur mes jambes et la sensation divine d’en vie.
Je me souviens les vagues et les gerbes d’écume qui claquaient sur les récifs juste derrière moi.
Je me souviens que toi, tu souriais, et tu prenais des photos.