[Textes Alain Serres, Il y a le monde]
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Encore un ailleurs
Au quai du siècle
Ni gris, ni verts, ni gris ni verts
Nuit le matin, nuit le soir, pluie la nuit, vent parfois.
Fini Serge Joncour, L’amour sans le faire, pas mal, pas inoubliable (on revient tous un jour sur les lieux de l’enfance, parfois comme sur les lieux du crime).
Demain commencer le Carnet de notes 1991-2000, de Pierre Bergounioux, 1261 pages de papier bible. « Le matin est tiède, infusé de bleu », au hasard des pages feuilletées.
Ostende, j’aurais aimé, la plage immense et grise en hiver.
Vacances, quand même…
Cette incroyable lumière d’hiver
A dix heures, presqu’encore nuit.
On dirait le jour ne va jamais se lever.
Queue de la comète/tempête : ciel jaune et noir, trombes d’eau sur les fortifs.
Pluie et vent tout le jour.
Sans cette incroyable lumière d’hiver.
Envie du souffle coupé, sans savoir si le vent ou le plaisir.
Toujours quelqu’un te raconte les flamboyants ailleurs
et tu le crois.
Que tu sois là
ou non
tout continue
Toujours quelqu’un et
cette incroyable lumière d’hiver.
Corps & âmes
On cherche à comprendre
on ne peut rien comprendre
on marche au long des rues sans penser à rien
essayant de retenir des larmes
on se sent perdu mais tout est déjà enfui
passé, irrémédiablement perdu
on reste seulement avec la chute interdite des sens
et ce poids de pierre inexprimable
au creux des membres
on ne sait plus ce que sont un visage,
un semblable
rien n’est reconnaissable
c’est un jeu sans personne avec la violence du disparu
et l’irrésumable brûlure du mot amour
[Patrick Laupin, in Corps & âmes]
Tout est dans le mélange…
photo Abracadabrantesque
Solstice d’hiver et fin d’un calendrier maya
LIEU DE L’UNITE
Le lieu de rendez-vous entre deux êtres
sera toujours un lieu unique.
Le réel ne sera jamais réel
sans l’imagination et inversement.
Poussières d’étoiles dans les yeux des eaux,
poussières d’eau dans les yeux des étoiles.
Ce n’est qu’un soir de lune que la licorne boira
à la source même de la vie.
[Nikolaï Kantchev, Anthologie personnelle]
Hôtel Hivernia
Il était trop tard pour prendre le dernier métro. Juste après le café, un hôtel dont la porte était ouverte. Une ampoule nue éclairait un escalier très raide aux marches de bois noir. Le veilleur de nuit ne nous a même pas demandé nos noms. il nous a simplement indiqué le numéro d’une chambre au premier étage. « A partir de maintenant, on pourrait peut-être habiter ici », ai-je dit à Louki.
Un lit d’une place mais il n’était pas trop étroit pour nous. Ni rideaux ni volets à la fenêtre. Nous l’avions laissé entrouverte à cause de la chaleur. En bas, la musique s’était tue, et nous entendions des éclats de rire. Elle m’a dit à l’oreille :
« Tu as raison. On devrait toujours rester ici. »
J’ai pensé que nous étions loin de Paris, dans un petit port de la Méditerranée. Chaque matin, à la même heure, nous suivions le chemin des plages. J’ai retenu l’adresse de l’hôtel : 2, rue du Grand-Prieuré. Hôtel Hivernia. Au cours de toutes les années mornes qui ont suivi, on me demandait quelquefois mon adresse ou mon numéro de téléphone, je disais : « Vous n’avez qu’à m’écrire à l’Hôtel Hivernia, 2, rue du Grand-Prieuré. On fera suivre. » Il faudrait que j’aille chercher toutes ces lettres qui m’attendent depuis si longtemps et qui sont demeurées sans réponse. Tu avais raison, nous aurions dû toujours rester là-bas.
[Patrick Modiano, Dans le café de la jeunesse perdue, p.128/129]
L’addition de la journée # 3
une demi-heure en plus
celle du rêve tardif
puis le jour presque levé
des heures de pluie
la pluie des heures
fausses lumières faux airs fausse nuit
boulevard des lassitudes
ce soir Vincent Lindon chez Empreintes
il dit Je sais pas comment aller vite, avec la parole
il pleut dans le noir de la nuit
sur les boulevards et au-dessus du jardin
par la fenêtre un lampadaire de ville dessine
un faisceau oblique d‘il pleut
Je sais pas comment aller vite, avec la parole.